IMMORTELS.

Notre première rencontre de collectionneur, propose une visite sensible et étrange de la photographie post mortem et de l’objet relique mortuaire de 1850 à 1950. Autour d’une collection celle de Hervé Bohnert (Artiste Plasticien Strasbourgeois), source de son inspiration, pour son travail artistique, une sélection d’objets provenant de différents fonds privés* sont proposés et dévoilés en exclusivité au public.


NOTES SUR L’EXPO

« les yeux fermés naturellement, et les membres aussi rigides et aussi froids que du marbre. Toutefois, l’apparence générale n’était certainement pas celle de la mort. » Edgar Allan Poe, La Vérité sur le Cas de M. Valdemar, tr. de Charles Baudelaire en 1856.

Une première émotion, cependant moindre pour les visiteurs qui auront choisi de venir se confronter aux images en connaissance de cause, est celle à laquelle fait face le collectionneur lorsqu’il met la main par hasard, au milieu d’une boîte pleine d’autres vieux papiers, sur une photographie mortuaire. Cette première rencontre, prenant par surprise, perturbe même au-delà des nombreuses décennies qui séparent le défunt du vivant, et même en dépit des filiations familiales qui n’existent pas entre eux. Ce face à face inopiné ressemble étrangement à une immersion indiscrète dans le royaume des morts, quand elle n’est pas plutôt l’apparition de l’esprit frappeur qui joue parfaitement son rôle de Memento Mori – Souviens-toi que tu vas mourir.

Une seconde émotion apparaît successivement à la lecture plus attentive des portraits. Certes, il y a dans les moments immortalisés par la photographie quelque chose qui retient ces personnes en vie. Telle était la fonction fondamentale pour laquelle l’invention du daguerréotype a connu un succès retentissant : garder un souvenir permanent de la personne portraiturée. Un souvenir qui allait se démocratiser bien plus que le tableau ou le masque mortuaire. Mais outre la «fétichisation» du défunt au moyen d’un objet que l’on peut accrocher au mur ou porter en pendentif, il y a également dans la composition et les artifices de l’image une volonté de ne pas faire mourir irrévocablement le proche récemment perdu. La photographie mortuaire, souvent composée, parfois retouchée, dit beaucoup de l’évolution des rites funéraires de la société. Le portrait post mortem est en premier lieu un souvenir tangible du défunt, permettant aux proches de faire leur deuil, un intermédiaire tout comme l’est la tombe devant laquelle ils peuvent prier. Mais aux abords du XXème siècle, la photographie mortuaire commence progressivement à remplir un rôle s’inscrivant davantage dans le roman familial.

L’invention d’appareils photo plus simples à manier pour le grand public et l’apparition de la pellicule inventée par Kodak à la fin des années 1880 étend considérablement l’usage de la photographie. Il n’est plus nécessaire d’appeler des studios pour immortaliser les événements du quotidien. L’album de famille se remplit au rythme des naissances, des baptêmes, des communions et des mariages… sans éluder l’ultime étape religieuse que représente l’enterrement. Si la photographie post mortem est à l’image de la société, reprenant un schéma le plus souvent similaire sans grandes variations visibles dans les images qui nous parviennent, elle peut cependant continuer à surprendre et se faire le témoin des singularités de notre monde.

MAIS QUI EST HERVE BOHNERT ?

«Pas vraiment photographe ni sculpteur, pas vraiment plasticien, pas du tout dans le système et donc totalement libre, Hervé Bohnert est un de ces artistes intuitifs et spontanés qui oeuvrent comme d’autres respirent. Une seconde vie accordée par la ” grande faucheuse ” qui semble s’amuser à tendre ses deux doigts en V au-dessus des têtes, pour un gag triomphant. Si ses sculptures s’échappent de la surface du plan photographique et contiennent un message tragique, caché dans un volume, elles disent cependant la même chose : Vie et mort sont les seules réponses d’un “pile ou face ” que nous lançons chaque matins. Cette accumulation de ” jeux de massacre “prend ici un sens universel, autrement plus signifiant que les angoisses de notre petit nombril.» Patrick Bailly-Maître-Grand

*Collections Privées de Thelma ACKERMANN / Alain BERIZZI / Hervé BOHNERT/ Ivan EPP / Nicolas HECQUET/ Brice François PERIN / Bruno TARTARIN.